« Les Blancs eux, ils ont rien ? » – Petite Plume
J’ai envie de te partager ce moment vécu il y a quelques années. Je me trouvais à Uashat Mani-utenam, communauté innue de la Côte-Nord au Québec. J’avais été invitée par une amie, à me joindre à la cérémonie du Sundance comme témoin, afin de soutenir en prière les participants. Cérémonie qui avait lieu pour la première fois dans cette petite communauté autochtone.
Le Sundance est une cérémonie spirituelle pratiquée par les peuples de l’Ouest américain et elle venait s’implanter chez leurs frères et sœurs de l’Est. Les cérémonies traditionnelles s’étant perdues avec l’acculturation et les dommages causés par le clergé durant la période colonialiste, cet événement était attendu et célébré par les membres de la communauté ayant le désir de préserver et de faire revivre les traditions de leur peuple.
Durant ces 4 jours, nous participions tous à la mise en place de l’événement. Préparation du cèdre, des rubans de prière par les femmes, cortège de plusieurs voitures pour chercher un grand peuplier en forêt, cet axe qui reliera la Terre et le Ciel et qui se trouvera au centre du grand cercle (de la grande roue de médecine qui accueillera les Danseurs du Soleil), cet arbre fut sélectionné par les Grands-mères et retiré avec le plus grand respect, les membres montaient la cuisine extérieure sur le site, des Grands-mères allaient sélectionner et couper les perches en forêt, tous s’installaient tranquillement et tellement efficacement… Chacun de nous soutenait mentalement les Danseurs qui se préparaient dans le jeune et la prière pour cette cérémonie.
Accueil
J’étais étonnée par la simplicité, l’accueil et la joie de vivre des membres de la communauté. J’avais installé ma petite tente autour du grand cercle et me levais au lever du soleil, au son du grand tambour, du cri de l’aigle et des chants pour accompagner avec mon cœur les participants qui prenaient place dans le cercle, tournant au rythme du battement du tambour autour de l’axe central tout en regardant le soleil.
Force
Une cérémonie extrêmement touchante et bouleversante pour l’occidentale que je suis.
J’étais témoin de la force, du courage des membres de la communauté qui renouaient avec ces traditions et qui offraient en sacrifice, une partie de leur chair, leur douleur, leurs intentions, pour venir en aide aux membres de leur communauté en souffrance et à la Terre Mère. Par ce sacrifice et le jeûne des participants, les intentions et l’énergie qui se trouve lors de cette cérémonie, font office de prière extrêmement puissante auprès du Créateur.
Courage
Je me souviens de cette petite fille, je la nommerai Petite plume. Elle avait environ 9 ans. On m’a dit qu’elle pesait une livre à sa naissance. Petite Plume se levait activement à chaque son de tambour pour supporter son grand-père, se tenant fièrement derrière lui autour du Cercle, entourée de femmes, de grand-mères, frères et sœurs… elle retenait ses larmes, pleurait, forte, droite et solide, faisant voleter la petite plume blanche qu’elle portait fièrement dans ses cheveux.
Je me souviens m’être dit : Quel courage, quelle force… Jamais le peuple occidental ne comprendrait, s’adonnerait à pareille pratique, par peur, incompréhension… s’étant éloigné de son essence, de la connaissance des pratiques spirituelles et de la dimension spirituelle elle-même. J’étais très émue, me sentant privilégiée d’être témoin de la force d’un peuple et surtout de cette enfant.
La Roue de médecine – Ancrage spirituel
Petite Plume, m’accompagna à un certain moment avant la cérémonie, en voiture. Elle nous partagea une réflexion qui me marqua. Elle dit tout bonnement : « Nous autres (les autochtones), on a le jaune, le rouge, le bleu, le blanc… mais les Blancs eux, ils ont rien? »
Elle parlait bien sûr des couleurs des 4 directions de la Roue de médecine. Cette Roue de médecine qui sert de repère pour maintenir le bien-être et la santé, la connexion avec toutes les dimensions de notre être et qui contient les enseignements sacrés à honorer, cette représentation symbolique qui sert de repère aux Premières Nations.
Par cette simple phrase, elle venait de comprendre ! Elle venait de mettre le doigt sur le manque, ce qui fait que nous nous sommes égarés comme peuple… reflétant la perte de sens et de repères spirituels dont nous souffrons et qui engendre la souffrance. Les enseignements se sont perdus.
Une société en manque de repères
Petite plume, en effet… nous cherchons. Nous n’avons pas ces repères, ces ancrages précieux pour nous ramener sur notre chemin. On s’est égarés, on a perdu la voie pour se souvenir de Qui nous sommes.
Voilà pourquoi j’ai trouvé comme plusieurs, auprès des peuples autochtones ces repères qui nous manquent tant. La dimension sacrée et spirituelle de tout être vivant et l’importance du respect des lois naturelles d’harmonie pour la préservation de l’équilibre personnel et collectif.
La Roue de médecine m’accompagne maintenant, chaque jour.
Merci de ne pas oublier.
Merci d’être là Petite Plume, de maintenir, de préserver et de partager ces savoirs essentiels pour le bien de notre monde.
Aho
Roue de médecine
La Roue de médecine est utilisée chez de nombreux peuples autochtones depuis des millénaires. Des aînés, hommes et femmes-médecine, sont habiletés à transmettre plus profondément tous les enseignements qu’elle contient. À la base, la Roue de médecine est d’une utilité précieuse pour nous aider à maintenir la santé et le bien-être, comprendre les cycles de la vie, nous situer sur notre chemin de vie, voir quelle dimension de notre être demande à être équilibrée : mentale, émotionnelle, physique et spirituelle. Pour chaque direction, un esprit animal est associé, une qualité, une valeur, un élément,… et chacun d’eux nous enseigne. Chaque nation a adapté la Roue de médecine avec ses propres repères reliés à leur univers. Mais chacune partage les mêmes enseignements fondamentaux, celle de trouver notre centre, notre équilibre et ainsi connecter avec l’Arbre de vie en Soi et relier le Ciel et la Terre.
Les espoirs et les deuils d’une mère
Non, je n’aurai pas de photo de ma fille en robe de bal à partager. Non, pas de cérémonie de finissante… Elle n’en veut pas! Le trouble du spectre de l’autisme, c’est ce qu’elle a.